Article - Reconnaissance du culte, pour un islam intégré
Posté le 04/09/2019 dans geen categorie, Non classé @fr. |
A l’horizon 2030 près de 10% de la population belge sera musulmane. Le radicalisme religieux est-il un danger croissant ? Pour favoriser l’intégration de l’islam dans notre société, les auteurs de cet article suggèrent de refaire le processus de reconnaissance des cultes, sur une base corrigée. ![]() Objectif De nombreux musulmans subissent un traitement discriminatoire, si pas désobligeant, uniquement à cause de leur appartenance religieuse. Nous ne pouvons pas laisser pourrir cette situation, qui peut générer une escalade de mépris ou de haine. Dans cet article, nous suggérons une mesure, parmi d’autres, qui favoriserait l’émergence et l’indépendance du courant islamique national. Dans un contexte de défiance Lors des élections du 25 mai 2014, l’affirmation suivante a été soumise aux candidats et aux électeurs, dans le cadre du GPS électoral : « L’islam est assimilable dans notre société. ». Avec l’aide de l’ASBL Libertas, une analyse statistique des réponses a permis de dégager l’opinion de la population belge, qui se distribuait comme suit : Tout à fait d’accord, 8,6% ; Plutôt d’accord, 21,5% ; Je ne me prononce pas, 10,4% ; Plutôt pas d’accord, 25,6% ; Pas du tout d’accord, 33,9%. ![]() La réponse des candidats se distribue très différemment : Tout à fait d’accord, 24% ; Plutôt d’accord, 39% ; Je ne me prononce pas, 20% ; Plutôt pas d’accord, 7% ; Pas du tout d’accord, 10%. Quelles peuvent être les causes de cette disparité d’opinion entre les candidats et le reste de la population ?
Qu’est-ce l’islam ? L’islam couvre des réalités tellement différentes qu’il est difficile de prendre une position globale face à la question de son intégration dans notre société. Il y a des musulmans bien intégrés dans notre société, mais il y a aussi des radicaux qui se réclament de l’islam, sans parler des branches terroristes comme Al Qaeda et l’État Islamique. Personne ne dispose d’une autorité d’arbitre pour « excommunier » quelqu’un de la communauté musulmane, à l’instar de ce qui existe dans l’Église catholique. Tout le monde peut légitimement œuvrer pour faire évoluer la société dans le sens qui correspond à ses convictions. Certains se demandent ce qu’il adviendrait si les musulmans disposaient d’une confortable majorité politique dans le pays ? Comment interprèteront-ils le Coran, qui semble, pour la plupart, prôner une tutelle de l’autorité religieuse sur l’État ? Quel sera, parmi les divers courants musulmans, celui qui aura le dessus ? Nous pensons que la réponse dépend en bonne partie des autorités publiques d’aujourd’hui, de la façon dont elles favorisent l’intégration des musulmans. Statistiques : les rapports de force Suivant le sociologue Jan Hertogen,
l’islam serait déjà la religion la plus pratiquée en Belgique. Il calcule qu’en 2015, il y avait 781.887 musulmans en Belgique[2].
Il estime que la proportion de musulmans passerait de 7% à 9,3% de la
population belge entre 2015 et 2030. Nous ne savons pas combien, parmi les musulmans, sont pratiquants.[3]
Islam et Droits humains Le niveau d’intégration dans notre société pluraliste se mesure, entre autres, au respect de la liberté religieuse, à la séparation Église-État et au respect des droits de la femme. Nombreux sont les pays où un islam radical s’impose, et où les gens sont torturés ou mis à mort parce qu’ils quittent (la pratique de) l’islam, ou parce qu’ils sont à l’origine d’une conversion d’un musulman vers une autre religion. D’ailleurs, il ne faut pas chercher à l’étranger, pour constater de nombreuses injustices subies au sein-même de leur famille, par certains musulmans qui abandonnent cette religion. Peut-on reconnaître aujourd’hui en Belgique un culte qui n’enseigne pas clairement la liberté de religion ? La séparation des institutions de l’Église et de l’État est un des piliers des démocraties occidentales. Certains musulmans n’encouragent pas cette autonomie respective. Muhammad exerça à Médine deux fonctions « le principat et le pontificat ». En 2012, le Président égyptien, Mohammed Morsi, instaura une nouvelle Constitution qui stipulait à l’article 2 que la sharia (un code musulman) était la source de législation civile, ce qui pourrait faire de l’Égypte un État théocratique. Force est de constater que l’islam recouvre des courants très variés, et que certains courants sont dangereusement contraires à notre conception des Droits humains et de la démocratie. Distinguer islam et politique Toutes les religions ont été confrontées avec des tentatives de récupération politique. Que ce soit dans l’Empire romain ou au Moyen-âge, nous avons eu en Europe des tyrans qui se servaient de la religion pour assoir leur pouvoir. Cela se passe actuellement dans plusieurs pays auto-proclamés musulmans. Forts de notre propre expérience européenne, nous devons éviter de condamner en bloc tous les musulmans, et admettre la sincérité de nombreux musulmans qui prennent leurs distances par rapports aux dérives impérialistes. Certains posent la question bateau: si une guerre éclatait entre un (groupe d’)États dits musulmans et un (groupe d’)États occidentaux, quel camp choisiraient les musulmans habitant ces États occidentaux ? Nous pensons que les musulmans de nos contrées seraient divisés sur cette question, comme sur toutes les questions. Aussi longtemps que les imams viendront de l’étranger, le risque est réel d’avoir un patriotisme prédominant marocain, turque, saoudien, etc. chez les musulmans belges. Il nous semble urgent d’inverser la tendance à « importer » des prédicateurs musulmans. Nous donnons ici deux petites illustrations du problème évoqué. Sur le site de l’Exécutif musulman belge, il y a une section « Nos services – Service Imams ». Le premier titre est « Demande d’autorisation de travail pour un Imam ressortissant non-européen »[4]. La place importante donnée à cette page internet s’explique par le changement de législation, mais aussi par l’ampleur du phénomène d’importation. Il règne une certaine opacité concernant le Conseil des théologiens musulmans, dont nous ne trouvons pas la composition sur internet. Cheikh Tahar Toujgani semble être un protagoniste de ce Conseil. Or il a en même temps une activité professionnelle de défense des intérêts politiques du Maroc. « Valeur ajoutée » des religions Par ailleurs, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. L’État peut constater l’influence bénéfique des religions. Les vrais croyants adhèrent à des principes moraux, et les respectent mieux que les gens sans scrupules. Ces derniers poursuivent leur intérêt personnel au détriment de l’intérêt général, tant que le contrôle policier ne les retient pas. L’islam enseigne de nombreux préceptes moraux qui sont tout bénéfice pour la collectivité. Le processus de reconnaissance d’une communauté religieuse La reconnaissance fédérale d’un culte se fait par l’adoption d’une loi. La demande est examinée sous cinq critères : nombre suffisant d’adeptes, existence d’un organe représentatif qui entretient les contacts avec l’autorité publique, présence en Belgique depuis suffisamment longtemps, intérêt social, absence d’activités contraires à l’ordre public. L’islam est reconnu comme culte depuis 1974[5]. Ensuite, les Communautés interviennent dans l’organisation matérielle et administrative. La reconnaissance, par la Communauté (flamande, francophone ou germanophone), d’une paroisse ou d’une mosquée (communauté islamique locale) se fait après avoir obtenu l’avis de la commune, de la province, du SPF de la Justice et de la Sûreté d’État. Début 2015, il y avait 24 mosquées reconnues en Flandre. La reconnaissance d’une mosquée ne peut pas être refusée si le demandeur satisfait tous les critères. Parmi les critères, il y a la déclaration écrite d’exclure de la communauté les individus qui contreviennent notre Constitution ou le Traité de protection des Droits de l’homme. Faiblesses de la procédure actuelle L’islam est une sorte de protestantisme avant la lettre, où chacun est responsable de l’interprétation qu’il fera de l’Écriture révélée. L’histoire récente en Belgique montre combien il est difficile d’avoir un vrai représentant du culte islamique du terroir : c’est probablement encore plus illusoire qu’avoir un représentant pour absolument tous les chrétiens. On n’imagine pas une reconnaissance du « culte chrétien ». Le législateur a bien évidemment reconnu séparément les catholiques, les protestants, les anglicans et les orthodoxes. La reconnaissance globale d’un « culte chrétien » serait ingérable, incontrôlable, source de confusion. Le moment est venu de se défaire de l’idée que les musulmans puissent être reconnus tous en bloc. Promouvoir un islam occidental Les musulmans doivent se définir avec plus de précision, et solliciter séparément la reconnaissance pour différents courants religieux. Pour être reconnu, un culte musulman doit présenter une homogénéité doctrinale suffisante, doit rejeter formellement certaines interprétations du Coran, doit prendre officiellement distance par rapport à certains autres courants. Ceci signifie entre autres qu’on doit examiner s’il y a des liens, financiers et idéologiques, avec les différents États dits islamiques. Le resserrement des critères de reconnaissance d’un culte en Belgique devrait conduire l’islam à se « compartimenter » comme cela s’est fait chez les chrétiens. Si l’ingérence des autorités civiles dans les affaires religieuses serait contraire au principe de séparation susmentionné, l’État doit néanmoins développer une procédure qui nous protège correctement contre des foyers de fanatisme et de radicalisme. Conclusion : il faut refaire le processus de reconnaissance des cultes sur une nouvelle base Il est donc temps de :
Nous pensons que ce processus de clarification est le meilleur service à rendre à l’islam. Il en sortira une ou plusieurs branches d’obédience musulmane (« l’islam européen ») qui seront bien insérés dans notre société démocratique. Il sera plus facile pour l’autorité civile d’exercer le contrôle de conformité avec les Droits humains. Il sera plus facile alors, pour les autres concitoyens, de cohabiter sans arrière-pensées avec ces musulmans-là. Rappelons aussi que l’absence de reconnaissance n’est pas, en soi, un blâme pour un culte. Il y a des courants religieux très respectables non-encore reconnus comme culte en Belgique, tel le bouddhisme par exemple. Bruxelles, 14 août 2019. Jean-Paul Pinon et Radya Oulebsir [1] http://newsletter.cathobel.be/181120/2018_Rapport_annuel_Eglise.pdf (consulté le 6/6/2019) [2] https://www.sudinfo.be/art/1580627/article/2016-05-24/781887-musulmans-vivent-en-belgique-decouvrez-la-carte-commune-par-commune (consulté le 6/6/2019) [3] Cet article n’aborde pas la définition de la pratique religieuse (assidue). [4] https://www.embnet.be/fr/demande-dautorisation-de-travail-pour-un-imam-ressortissant-non-europeen (consulté le 14 août 2019). [5] Loi du 19 juillet 1974 portant reconnaissance des administrations chargées de la gestion du temporel du culte islamique. |
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