Article - Les attentats de Bruxelles et l’islam radical
Posté le 20/06/2016 dans geen categorie, Non classé @fr, NousCitoyens. |
Les attentats du 22 mars 2016 sont perpétrés par des islamistes de tendance salafiste djihadiste, dont l’objectif final est d’influencer les sociétés, par la violence, afin de les mettre en concordance avec leur interprétation du Coran et de la Sunna (tradition prophétique) et de faire renaître le Califat. PréambuleAvant la Noël, nous avons eu les attentats de Paris…. Avant Pâques, nous avons eu les attentats de Bruxelles… Ceux-ci étaient totalement prévisibles : la lecture des rapports de la Sûreté de l’Etat de 2010 et 2011 est éclairante à cet égard. « Pourquoi certains musulmans pratiquent-ils le terrorisme, synonyme de « radicalisation violente » ? Sans compréhension rationnelle de ce phénomène mondial, il est difficile d’y apporter des réponses cohérentes permettant de l’éradiquer. Nous appelons « radicalisé » ou « fanatique » celui qui défend ses idées de manière intransigeante et intolérante en rejetant le système de valeurs de la société auquel il appartient. Le « terrorisme islamique » est conditionné par divers non-dits : le rejet de la religiosité par les adeptes d’un matérialisme philosophique et les tenants d’une laïcité fondamentaliste, le soutien indéfectible à l’Arabie saoudite par les USA et l’Occident, l’incapacité des Nations Unies à résoudre le conflit israélo-palestinien. Nous constatons que ces actes terroristes ont une dimension religieuse et politique. Les « martyrs » affrontent la mort en s’exclamant : « Allah Akbar ». Pour combattre efficacement une idéologie (un système d’idées basé sur des croyances et des interprétations, mais pas nécessairement sur la connaissance), il faut la comprendre. Analyse des racines de l’islamisme radicalL’empire musulman a progressivement décliné à partir de l’arrivée de Napoléon (1798) en Egypte. La colonisation de divers territoires arabo-musulmans par la violence (Algérie, Lybie etc.) et/ou par les intérêts financiers (Egypte, Turquie, etc.) ont conduit au découpage de l’Empire ottoman en divers états souvent artificiels où les intérêts occidentaux ont prévalu à savoir le pétrole et le contrôle de la route des Indes. Face à cette situation, dès la seconde moitié du 19ème siècle, des intellectuels musulmans se sont posé la question suivante : « Pourquoi sommes-nous devenus décadents face à l’Occident alors que nous avons connu un Empire puissant qui a prospéré pendant 12 siècles ? » La première réponse, politique, a été : « Imitons l’Occident, acquérons leurs savoirs scientifiques, techniques et politiques et nous retrouverons notre puissance. » La seconde réponse, religieuse, a été : « Si nous avons été dépassé, c’est parce que nous avons abandonné les préceptes de l’islam originel et les coutumes des pieux ancêtres (les salafs) ». (Sous-entendu, Dieu nous a abandonné car nous nous sommes détournés de LUI.) A partir de la seconde moitié du 19ème siècle, la première réponse de caractère politique a prévalu et les pays arabo-musulmans se sont modernisés grâce aux élites libérales, parfois en reniant l’islam. Ils ont obtenu leur indépendance mais n’ont pas réussi à sortir leurs citoyens de la misère (mis à part les Etats du golfe). Cette situation a conduit aux printemps arabes où divers dictateurs ont été renversés. A la fin de la première guerre mondiale, la seconde réponse de caractère religieux a progressivement pris de l’ampleur. A partir de 1970, grâce à l’Arabie saoudite et ses ressources financières, l’approche religieuse a trouvé des adeptes un peu partout dans le monde (y compris à Bruxelles : la mosquée du Cinquantenaire). Origine du salafisme/wahhabisme djihadisteLe fondamentalisme islamique s’est développé à partir du milieu du 9ème siècle lors de la grande controverse sur le Coran. La question débattue entre théologiens était celle-ci : « Le coran était-il créé par Dieu à l’intention des arabes du 7ième siècle ou existait-il depuis tout temps, c’est-à-dire incréé ». Le débat opposa les mutazilites (tenants de la théologie rationnelle) aux traditionnistes. Ces derniers considéraient que le Coran était incréé et ne pouvait en aucun cas être interprété. Leur opinion fut retenue par le monde musulman y compris par l’autorité politique (le calife) et n’a guère été remise en question depuis le 9ième siècle. Cette controverse théologique eut des conséquences importantes pour le monde musulman : en effet, l’islam (religion) considère que chaque croyant doit étudier le Coran, la parole incréée de Dieu et en tirer les conclusions qu’il estime pertinentes pour mener une vie digne et gagner le paradis. Il n’y a pas de clergé en islam sunnite (90% des musulmans). De plus le croyant doit tenir compte de l’ensemble du Coran, sans tirer tel ou tel verset de son contexte. Or, le Coran est très complexe. Le verset 3.7 spécifie « … il s’y trouve des versets sans équivoque, qui sont la base du livre, et d’autres versets qui peuvent prêter à des interprétations diverses. » Pour établir le sens des paroles du Coran, les musulmans se sont basés sur les paroles, les faits et gestes de Mohammed. Ces témoignages relatifs à l’action du Prophète, les HADITHS, ont les caractéristiques suivantes :
Ces Hadiths n’étant pas la parole de Dieu, certains prennent des libertés d’interprétations, tandis que d’autres les suivent littéralement. Ces Hadiths forment le corpus de la SUNNA, la tradition prophétique (d’où le nom de musulmans sunnites). On comprend aisément qu’il n’y a pas qu’un islam mais des islams compte tenu de l’existence de nombreuses écoles d’interprétations. Il est recommandé au croyant de suivre, mais ce n’est pas obligatoire, l’avis du consensus des oulémas (l’ijma) sur telle ou telle interprétation. Actuellement, les explications des oulémas d’Arabie saoudite, possesseurs des Lieux Saints, sont littéralistes c’est-à-dire basées sur l’islam des salafs, d’où le nom de salafisme. Ce courant religieux peut prendre trois orientations :
NB : Le wahhabisme est un salafisme particulier qui résulte d’une alliance indéfectible entre la famille des oulémas issus de la prédication de El Wahhab et de la famille Saoud. Emergence du salafisme djihadisteLe salafisme djihadiste a été théorisé de manière très approfondie à partir des années 1960-1970. Leur lecture littérale des textes produit l’exemple suivant : dans un hadith, il est écrit que Mohammed n’a pas mangé de melon avant la prière ; en conséquence, en 2016, certains religieux bannissent le melon. De nombreux conflits armés ont conduit à la pratique d’une violence extrême. L’invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1979 est considérée comme le point de départ, la CIA ayant formé des salafistes (comme Ben Laden) de divers pays au combat armé et insurrectionnel. D’autres conflits ont vu le jour : Tchétchénie, Bosnie, Liban, Lybie, Afrique Sub-saharienne, Yémen, Irak et depuis 2011 la Syrie. L’objectif poursuivi par les djihadistes est bien de retrouver la grandeur de l’empire musulman, en suivant les prescrits de l’islam des origines, en combattant les occidentaux et en reconstruisant un Califat qui s’affranchirait des frontières définies par l’Occident. Tous ces conflits ont renforcé le salafisme djihadiste qui sévit non seulement sur les terrains d’opérations des pays arabo-musulmans, mais également au sein des pays occidentaux puisque ceux-ci interviennent dans les pays arabo-musulmans… Nous ne sommes donc pas épargnés. Remarque importante : tous les salafistes djihadistes sont des musulmans, mais tous les salafistes ne sont pas djihadistes et tous les musulmans ne sont pas salafistes. Les conséquences en 2016 de l’islam radical : Daech et la crise des réfugiésDaechLa réponse fondamentaliste part de l’idée que la grandeur passée de l’Islam résultait d’une observance stricte des préceptes des pieux ancêtres (salafs), connus par les Hadiths (Sunna). Dieu soutenait ceux qui appliquait un islam strict et rigoureux (c’est le « Gott mit uns »). Considérant les succès obtenus par les pays appliquant un islam radical, les pays du golfe, le Pakistan ou l’Iran, les salafistes sont confortés dans leur opinion. Ceci nous amène à penser que l’idéologie salafiste est bien le terreau sur lequel prospère le terrorisme islamiste (voir F. Dassetto-Cismoc). Daech, l’Etat islamique, sera peut-être détruit mais son idéologie a de grandes chances de se perpétuer, car elle est ancienne et fortement enracinée. La crise des réfugiésCette crise est inévitable car les habitants des pays arabo-musulmans touchés par des conflits à répétition et interminables savent bien que le conflit mettra des années à se résoudre : les conflits israélo-palestinien et afghan sont malheureusement parlants. L’afflux massif de réfugiés est bien une stratégie de Daech pour conforter son pouvoir naissant. En créant le chaos au sein de l’Union européenne, Daech espère affaiblir l’Occident, son ennemi principal. ConclusionLes attentats de Bruxelles sont le résultat de conflits théologiques et politiques qui remontent dans l’histoire du monde arabo-musulman. L’idéologie salafiste/wahhabite vise à promouvoir avec ou sans violence un islam littéraliste basé principalement sur les témoignages du Prophète et de ses pieux successeurs (les salafs). Cette idéologie à caractère religieux et politique est particulièrement bien construite et a pour objectif de rendre au monde arabo-musulman sa dignité et sa grandeur passée. Elle est une réponse aux tentatives d’occidentaliser le monde musulman où la religion reste un marqueur identitaire fort. Nous pouvons penser que la résolution des conflits Proches et Moyens orientaux par les musulmans eux-mêmes est essentielle pour réduire le terrorisme islamique. Michel Annez |
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