Article - La lutte contre le terrorisme

Posté le 26/03/2016 dans Efficacité dans la gestion publique, geen categorie, Non classé @fr.

De même qu’on aura toujours des voleurs, de même on aura toujours des terroristes. Une bonne éducation permet d’en diminuer sensiblement le nombre. Pour le reste, la société doit décider comment elle s’organise. Les services de renseignements joueront un rôle important, si nous leur permettons, et leur exigeons, de travailler correctement. Il en va de certains choix de société épineux : Fonction publique, vie privée, etc.

Nouveau concept de guerre

Le temps passe, les victimes s’accumulent. Sommes-nous préparés à affronter le nouveau modèle de guerre ?

Les péplums nous ont habitués à identifier une guerre à une succession de batailles rangées, où des files de boucliers se faisaient face. Les commémorations de la « Grande guerre » nous ont familiarisés avec le modèle des tranchées. Les vainqueurs étaient, en général (c’est le cas de le dire), ceux qui :

  • avaient une bonne logistique
  • trouvaient la meilleure adéquation entre la tactique militaire et les technologies les plus avancées disponibles
  • savaient motiver et discipliner les troupes.

Parlant de technologie, on peut se laisser éblouir par la performance des bombardiers à missiles téléguidés, drones, etc. Mais à quoi nous servent ces armes contre le terrorisme ? Or n’est-ce pas là l’ennemi d’aujourd’hui et de demain ? Maintenant que l’armée belge se prépare à dépenser des milliards d’euros pour l’achat d’avions de combat, on peut se demander si nous ne nous trompons pas de guerre. La ministre néerlandaise de la Défense, Jeanine Hennis-Plasschaert, prévoit un montant de 283 millions d’euros pour la maintenance annuelle de leurs 37 nouveaux chasseurs F-35.

Guérilla et terrorisme

Depuis toujours, les militairement faibles cherchent à contourner l’arsenal militaire des puissants. Le mot « guérilla » trouve son origine dans la résistance menée par le peuple espagnol durant la domination napoléonienne. Ce mot désigne les combats d’unités mobiles et flexibles pratiquant une guerre de harcèlement, d’embuscades, de coups de main menée par des unités régulières ou des troupes de partisans, sans ligne de front. La guérilla s’attaque aux militaires et aux forces de l’ordre, tandis que le terrorisme s’attaque aussi aux civils.

Certains se rappellent à quel point les puissants États-Unis ont été traumatisés lorsque des guérilleros de l’Armée populaire vietnamienne se sont infiltrés en plein Saïgon (Hô-Chi-Minh-Ville), au cœur du territoire ‘contrôlé’ par les Américains et leurs alliés.

Sans vouloir exclure complètement l’affrontement massif entre pays ou blocs de pays, il semble plus réaliste de craindre une augmentation du terrorisme. Plusieurs facteurs y contribuent.

La bonne (!) éducation est la principale protection contre la violence

Les germes de guerre restent omniprésents : les nationalismes exacerbés, la corruption, la soif de pouvoir, etc. Le relativisme moral ambiant ne freine guère l’égoïsme, lui-même à la base des conflits.

Les concentrations humaines croissantes, dans une société urbanisée forment des cibles faciles pour la puissance de feu dont disposent les terroristes professionnels.

Comme disait déjà Publilius Syrus, à l’époque de César, « la violence est l’arme des faibles », qui n’ont pas le courage d’assumer les difficultés, même ordinaires, de la vie. Or, le confort matériel, les familles déstructurées, le manque de repères dans l’éducation plongent beaucoup de jeunes dans un état de faiblesse. Nous ne pouvons suffisamment insister sur le rôle fondamental de l’éducation, notamment l’éducation citoyenne, religieuse et philosophique, pour tempérer l’agressivité.

Néanmoins, aucun système, même éducatif, n’est parfait : nous aurons toujours des délinquants. De même que nous apprenons, dès l’enfance, à protéger nos possessions sous clef, de même notre société doit s’organiser contre le terrorisme. Cela demande de révolutionner certaines habitudes, comme suggéré dans les lignes qui suivent.

Préparer la population

La particularité du terrorisme est qu’il vise aussi les civils. Il ne suffit plus de donner une instruction aux militaires. Toute la population doit apprendre certains réflexes, par exemple, l’interprétation des niveaux d’alarme.

Le but des terroristes est de perturber au maximum notre vie, de créer une menace, pour que l’autorité, sous la pression d’une population paniquée, fasse toutes les concessions nécessaires pour être, soi-disant, délivrée du danger. Tout ce qui contribue à la psychose est un cadeau pour les terroristes.

Ainsi, un gouvernement qui, pour se couvrir, exagère les niveaux d’alarme, fait un immense plaisir aux terroristes, et fait perdre la crédibilité au système d’alarme. Un médecin qui deviendrait hystérique à la vue des atrocités produites par un attentat, ne serait pas à sa place aux urgences de la clinique. De même, on salue les gouvernants qui gardent la tête froide.

Dimension internationale

Il est illusoire de protéger la population contre des kamikazes bardés de bombes. A ce moment-là il est trop tard. La guerre se mène en amont, par les services de renseignements.

Comme tout le monde, les terroristes bénéficient des progrès en matière de mobilité. Une coopération internationale s’avère indispensable pour les traquer. Le Commissaire européen pour la Migration et la Lutte contre le terrorisme, Dimitris Avramopoulos, déclare que les attentats du 22 mars 2016 à Zaventem et Maelbeek auraient probablement été évités si les États Membres avaient accepté ses propositions.

Si on veut lutter efficacement contre le terrorisme, il faut accélérer le renforcement d’Europol et donner à cette structure la capacité de s’adresser directement à des institutions comme Facebook. Il faut un service de renseignements européen, une sorte de FBI européenne. Il faut développer Eurojust, c’est-à-dire augmenter la collaboration européenne dans la lutte contre la criminalité, et devenir un interlocuteur plus respectable pour les partenaires en-dehors de l’Union européenne.

L’argent ne suffit pas, il faut surtout de la conscience professionnelle

Nous saluons les récentes décisions du Gouvernement d’augmenter les ressources des services de sécurité. Il a ajouté au Budget initial 2016 un supplément de 400 millions d’euros pour la sécurité et la lutte contre le terrorisme et ce, en complément des 200 millions d’investissements déjà réalisés en 2015, des 40 millions prévus pour la sûreté de l’Etat et des 100 millions supplémentaires libérés pour la Défense.

On aura beau consacrer des budgets colossaux pour la lutte contre le terrorisme, cela produira une énorme administration inefficace si les gouvernants n’attaquent pas à la racine les problèmes qui gangrènent la Fonction publique : les nominations ou promotions politiques, la différence de statut entre les fonctionnaires et les autres travailleurs (en particulier, la quasi-impossibilité de renvoyer un fonctionnaire insatisfaisant), les certificats médicaux de complaisances, etc.

Le 24 mar 2016, le Ministre Jan Jambon reconnaît déjà au moins une bourde commise par un fonctionnaire de son Département. Tout le monde sait combien il est difficile de faire travailler un fonctionnaire fainéant. Mais n’appartient-il pas aux Gouvernants de proposer au législateur de meilleures règles pour la Fonction publique. Si Jan Jambon pouvait faire état de propositions en ce sens, il n’aurait pas eu à présenter sa démission.

La guerre ne pardonne pas l’amateurisme. On peut bien s’amuser en se moquant de l’inefficacité de l’armée italienne pendant la seconde guerre mondiale. Mais n’oublions pas que l’incompétence des officiers, l’indiscipline des soldats et le manque de courage de cette armée a coûté la vie à des centaines de milliers d’Italiens, pris aux pièges de l’ennemi.

Le triste spectacle

Côté positif : en 2015, le même Gouvernement a décrété 30 mesures de lutte contre le terrorisme. Mais, nous transcrivons ici quelques mesures :

(7) Echange de l’information. Optimiser l’échange entre les autorités et les services administratifs et judiciaires.
(9) Lutte contre le radicalisme dans les prisons par, d’une part, une meilleure détection des détenus radicalisés et ceux qui encouragent la radicalisation et d’autre part, la prise de contre-mesures. Formation du personnel pénitentiaire et collaboration avec les conseillers islamiques revêt une importance centrale.
(11) Appel à l’armée pour des missions spécifiques de surveillance ;
(20) Personnes fichées – bracelet électronique. Bracelet électronique pour les personnes fichées par les services d’analyse de la menace: une procédure contradictoire sera instaurée en vue d’imposer le port du bracelet électronique.
(21) PNR belge – enregistrement des données de tous les passagers (avions et TGV).
(22) Exclusion des prédicateurs de haine. Screening de tous les prédicateurs en vue d’assigner à résidence, de priver de liberté ou d’expulser ceux qui prêchent la haine.
(23) Démantèlement des lieux de culte non reconnus qui diffusent le djihadisme.
(28) Fermeture des sites internet prêchant la haine.

Ne vous posez-vous pas les questions suivantes : que faisaient les responsables avant les attentats ? N’étaient-ils pas payés pour faire tout cela ? Ces actions, ne font-elles pas partie du travail de base des Autorités ou Service publics concernés ? Le Gouvernement n’offre-t-il pas ici un catalogue des négligences crasses des prédécesseurs ?

Les révélations faites par le président turc Erdogan, suite aux attentats du 22 mars 2016, montrent qu’un criminel connu, comme Ibrahim El-Bakraoui, est expulsé de Turquie, sans être pris en charge par les services de sécurité dans l’Union européenne. Ceci n’est qu’un exemple parmi bien d’autres défaillances.

Les citoyens ne sont pas rassurés quant au niveau de compétence et de conscience professionnelle des gouvernants et des fonctionnaires.

Arbitrage sécurité – vie privée

Notre société devra de plus en plus chercher le bon équilibre entre la sécurité et certaines autres valeurs comme la vie privée, etc. Prenons deux questions fondamentales dans la lutte contre le terrorisme : les écoutes téléphoniques et les dénonciations (des coupables et des suspects).

Plus les contraintes placées sur le travail d’enquête sont élevés, plus il est difficile de prévenir les attentats. On pourra faire un championnat pour couronner le service de sécurité qui trouve le plus vite les auteurs … après les attentats !

Sur base d’un échantillon de 13.088 répondants, WeCitizens obtient les résultats suivants à la question : « L’État doit pouvoir surveiller, même sans soupçon concret, les communications privées par téléphone, GSM et internet. ».

Il serait intéressant de voir l’évolution de l’opinion des citoyens, après la récente vague d’attentats. Nous disposons d’un arsenal technologique considérable pour lutter contre le terrorisme. La tactique est toutefois décidée, en bonne partie, par la politique. Le fait est qu’actuellement on décide de ne pas utiliser tous les moyens techniques disponibles, et que, de surcroît, souvent on les utilise mal.

Jean-Paul Pinon, 26 mars 2016

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