Article - Grandir face au coronavirus : vaincre la peur
Posté le 30/03/2020 dans Non classé @fr. |
Si la peur est logique, face au danger, la panique est une faiblesse qui requiert des soins. Une éducation saine et équilibrée rend notre personnalité plus robuste. L’État, qui s’implique activement dans l’éducation, a un rôle à jouer. Nous pointons ici sur l’éducation philosophique et la promotion du volontariat. Nous rappelons que la panique est mauvaise conseillère.
La peur s’explique par l’instinct de survie, le rejet spontané de la souffrance, de l’incertitude ou de la perspective de perdre un certain confort. Avec ou sans Covid-19, nous ne pouvons échapper ni à la mort, ni à la souffrance. Nous pouvons tout au plus agir sur l’échéance de la mort, et atténuer la douleur. L’apaisement ne viendra pas directement de l’autorité politique mais plutôt de notre référentiel philosophique. Dans les lignes qui suivent, nous ne développons pas les mesures à court terme, propres à cette période de crise : hygiène sanitaire, mentale, psychologique et physique, etc. Nous ne prétendons pas minimiser les difficultés graves que certains d’entre nous endurent à cause de la maladie ou des effets du confinement.
Le psychiatre et philosophe, Damiaan Denys, va jusqu’à dire que cette crise est une opportunité géniale, parce qu’elle met à nu un tas de déficiences de notre société moderne. Selon lui, la peur a moins à voir avec le danger concret qu’avec notre obsession de tout vouloir contrôler. Nous avons perdu la flexibilité pour accepter la réalité. John Lennon chantait : “Life is what happens to you while you’re busy making other plans.”
Dans la plupart des religions, on croit que l’individu continue d’exister après la mort : l’âme subsiste en tant qu’esprit, le corps ressuscite ; pour d’autres, on se réincarne, etc. La mort est donc une transition, qui peut même s’avérer avantageuse. Ceux que les philosophes qualifient de matérialistes considèrent, en revanche, que la mort est la fin de tout pour l’individu. Dans cette conception, on a l’avantage de n’avoir aucun compte à rendre devant un Dieu rémunérateur du bien et punisseur du mal. Cela incite à bien profiter de la vie, quitte à escamoter quelques scrupules. Mais la perspective de l’anéantissement total n’est pas rassurante pour tous.
Quel est le rôle de l’État ? Un consensus assez large considère que la réflexion philosophique contribue à l’épanouissement de la personne. Les citoyens trouvent dans la réflexion ou la prière, entre autres, un encouragement face aux difficultés. On trouve des gens qui conservent la joie dans les pires tribulations. Victor Frankl, psychanalyste juif de Vienne, a été prisonnier dans un camp de concentration allemand pendant la seconde guerre mondiale. Il observe que les croyants (ceux qui ont un sens dans l’existence) résistent mieux et survivent plus longtemps. L’État doit donc veiller à ce que chacun puisse trouver librement sa voie, et la pratiquer sans obstacles.
L’État doit-il encourager et faciliter activement la pratique religieuse ? Les avis divergent. Les ‘laïques’ préfèrent que l’État se tienne ‘à distance’, reléguant la religion à la sphère privée. La liberté religieuse se réduit pratiquement à une modalité de la liberté d’expression. D’autres associent la pratique religieuse ou la réflexion philosophique à l’éducation. Dans cette optique l’État aurait un rôle actif à jouer.
Comme tout excès, une peur excessive serait révélatrice d’une faiblesse dans la personnalité. C’est le moment de se rappeler la phrase de Confucius : « Si tu as un problème et que tu n’as pas la solution à ton problème, tu es le problème. »
Un des remèdes est le développement de l’esprit solidaire. L’égoïste souffrira plus de la peur, parce qu’il est braqué sur ses problèmes personnels. L’altruiste a l’esprit partagé entre les soucis personnels et ceux des autres, ce qui est déjà un premier pas vers l’équilibre psychologique. Plus on s’implique à aider les autres, plus on relativise ses propres problèmes.
Les médias font bien de relayer le témoignage des personnes généreuses. À force de monopoliser certaines tâches d’assistance sociale, l’autorité publique à tendance à oublier la valeur du volontariat. C’est une composante importante d’une éducation équilibrée. L’État se doit de promouvoir le bénévolat, par tous les moyens. Si dans le passé, on trouvait logique d’imposer un service militaire, pourquoi ne pas imposer maintenant un « service citoyen » ? Comment les CPAS s’organisent-ils pour accueillir et encadrer des volontaires, en plus des personnes condamnées à des peines alternatives ?
« Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt. » Cela veut dire que, si nous nous concentrons seulement sur les effets de cette crise liée au coronavirus, nous en serons victimes une deuxième fois, car nous ne nous serons pas posé les bonnes questions. Il y a les grandes questions philosophiques, la priorité du bien commun sur les intérêts particuliers, mais aussi la qualité de la gestion de l’État, la solidarité avec les plus fragiles. Saluons des initiatives privées de solidarité, telle que https://www.covid-solidarity.org/fr , qui réagissent directement face aux besoins générés par le confinement.
La panique est mauvaise conseillère. Il y a de plus en plus de gens qui se demandent pourquoi la Belgique n’a pas suivi le modèle japonais-coréen, qui a produit de meilleurs résultats dans la lutte contre la pandémie. Une lettre ouverte du Dr Shanan Khairi, publiée par La Libre Belgique le 23 mars 2020, rappelle que le confinement généralisé est la mesure de dernier recours. Selon lui, « les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé sont pourtant très claires. Elles énumèrent une série de réponses graduées face à la crise. Les premières d’entre elles sont le dépistage systématique de tous les malades suspects de Covid 19 et, en cas de positivité, de tous leurs contacts des deux dernières semaines. D’isoler tous les infectés dans des structures de soins ou au domicile sous contrôle de l’Etat. De construire des infrastructures, que ce soit des structures de soins ou de tests provisoires ou d’usines visant à manufacturer le matériel nécessaire. De réquisitionner, de former ou d’engager rapidement tant du personnel qualifié que non qualifié pour diverses tâches. »
Vous êtes soucieux ? Dites-vous qu’il vaut mieux être sou-cieux que sous terre ! La peur nous rappelle que nous n’avons pas le dernier mot. Il y a plus grand que nous : la nature. Le réalisme ne nous invite-t-il pas à être humble, à reconnaître et assumer notre finitude ? Heureux celui qui a réussi à se réconcilier avec la présence de la souffrance et la perspective de la mort, sans attendre le Covid-19 !
Jean-Paul Pinon, 26 mars 2020. |
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