Article - Enjeux des élections communales: fusions, suppressions.
Posté le 16/12/2017 dans geen categorie, Non classé @fr, Non classé @fr. |
La réforme des institutions communales et provinciales est un enjeu sensible, qui comprend de nombreux volets : la suppression des gouvernements provinciaux, la réforme de la gestion interne des intercommunales, la fusion des communes bruxelloises, et la fusion volontaire entre communes, avec incitant régional. Et nous ne parlons pas ici de la fusion éventuelle du CPAS avec la commune.
Suppression des provincesUn des premiers enjeux des prochaines élections communales et provinciales est sans nul doute la question des niveaux multiples de gouvernance. En effet, dernièrement, dans la plupart des journaux ainsi que dans les (projets de) programmes électoraux de certains partis politiques, la suppression pure et simple des provinces comme niveau de gouvernement est préconisée[1]. Certes, cette question ne se décidera pas au niveau communal et provincial, mais les premiers concernés par cette éventuelle réforme seront les personnes qui seront élues l’année prochaine. Il est donc dans l’intérêt des communes d’être attentives à ce dossier. Précisons qu’on parle ici de suppression des provinces en tant que niveau de gouvernement, pas en tant qu’entité géographique. Par ailleurs, la suppression des provinces peut aller de pair avec la création d’autres structures supra-communales (comme des métropoles). Depuis le 1er juillet 2014, les Régions sont presqu’entièrement compétentes pour l’organisation de la structure provinciale. Quels seraient les effets sur le paysage économique et institutionnel belge si jamais les gouvernements provinciaux venaient à disparaître et que leurs compétences venaient à être transférées ? Les provinces emploient plusieurs dizaines de milliers de fonctionnaires. Si un bon nombre d’entre eux seront repris dans les intercommunales, à la Région ou dans les communes qui reprendront à leur compte la majorité des fonctions des provinces, il reste à fixer le sort d’une petite proportion d’employés dont la fonction sera supprimée. De plus, les communes y auraient beaucoup à gagner, ne fût-ce qu’au niveau budgétaire. Selon une étude réalisée par Belfius sur le budget 2016, les provinces prélevaient en moyenne 114 euros par habitant à l’échelle nationale. En Région wallonne, ce chiffre monte à 160 euros par habitant[2]. L’économie fiscale réalisée par la suppression des taxes provinciales, sera compensée par une augmentation des impôts communaux. Si les provinces sont supprimées, il faudra également renégocier la loi du pacte scolaire entre les Régions. En effet, le réseau officiel provincial fait partie de l’accord. Mais la Région flamande, qui est en position de force pour renégocier cet accord, pourrait très bien demander une nouvelle réforme de l’Etat en guise de compensation[3]. Même si peu d’acteurs politiques semblent contre une réforme des provinces, certains d’entre eux soulignent tout de même leur utilité. A titre d’exemple, Patrick Adam, président du collège provincial du Luxembourg, avance que l’institution provinciale permet d’éviter une discrimination des subsides de la part de la fédération Wallonie-Bruxelles. La province permet de subsidier des acteurs locaux qui ne reçoivent rien du régional[4]. En supprimant les provinces, ce type d’aides risquera de disparaître. En Flandre, le processus de suppression est déjà engagé, tout en se faisant de façon progressive. Depuis le 1er janvier 2017, les provinces flamandes ne peuvent plus s’occuper de questions culturelles ou liées aux personnes (comme l’enseignement). Lors des élections de 2018, le nombre de députés permanents passera de 6 à 4.[5] Même si la décision de supprimer le niveau provincial de gouvernement revient aux Régions, le sujet mérite d’être abordé lors des élections provinciales. Les nouveaux élus auront-ils à cœur d’organiser le transfert d’activités dès maintenant, sans attendre la disparition institutionnelle des provinces, afin de les réaliser dans les meilleures conditions ?
Fusion des communes de BruxellesRécemment, le sp.a a proposé une idée pour « révolutionner » Bruxelles. Cela consiste en la fusion des 19 communes et des six zones de police, pour être remplacé par environ une trentaine de districts. La Région serait également réformée, pour devenir une Ville-Région, et l’anglais serait appliqué comme troisième langue. Actuellement le nombre de mandats politiques à Bruxelles est de 797 : 8 ministres régionaux, 89 députés, 19 bourgmestres, 19 présidents de CPAS, 158 échevins et 504 conseillers communaux. Dans la proposition sp.a, il n’y aurait plus « que » 8 ministre, de l’ordre de 80 députés et des citoyens tirés au sort dans les districts[6]. Cette proposition a provoqué une levée de boucliers de la part des partis francophones. Certains d’entre eux ont évoqué un relent communautaire de la part du parti socialiste flamand. D’autres parlaient du « risque d’éloignement avec la population »[7]. De même, Marc Cools, président de Brulocalis, ne souhaite pas la fusion des 19 communes avec la Région bruxelloise. Suivant l’avis des partis francophones, fusionner les communes éloignerait les élus des citoyens, et si la ville d’Anvers a été divisée en districts, ce fut justement pour rapprocher les élus locaux des citoyens. Il invoque également le principe de subsidiarité, pour préconiser un maximum de tâches au plus bas échelon. La fusion des communes est un sujet sensible, et si certains partis laissent l’initiative aux communes de fusionner sur base volontaire, les communes de Bruxelles ne sont pas près de disparaitre. La question que les électeurs peuvent donc poser lors des élections communales est la détermination des candidats de fusionner sur base volontaire. Le bourgmestre d’Auderghem avançait encore récemment l’idée d’une fusion de sa commune avec celle de Watermael-Boisfort[8].
Fusion volontaire des communesDe même, plusieurs partis francophones prônent, dans leur programme 2018, une fusion volontaire des communes. Cependant, s’ils disent vouloir des fusions, ils ne semblent pas les encourager. C’est tout le contraire en Flandre. En effet, il y existe depuis plusieurs décennies une volonté de rationalisation par fusion. Outre les vagues nationales de fusions en 1964, 1970 et 1977, la Flandre a réalisé quelques fusions à Anvers en 1983[9]. Aujourd’hui, le gouvernement régional a mis en place une aide financière comme incitant. Si des communes fusionnent, leurs taxes seront abaissées et leurs dettes seront allégées de 500 euros par habitant. En Flandre, une nouvelle série de fusions est à prévoir, avec pas moins de 15 communes actuelles qui ont un projet de fusion concrète (notamment Sints-Amands et Puurs, Kruishoutem et Zingem, Alter et Knesselare, Deinze et Nevele et Waarschoot, Zomergem et Lovendegem)[10]. Un exemple est le projet de fusion entre Meeuwen-Gruitrode (son bourgmestre étant Lode Ceyssens) et Opglabbeek (son bourgmestre étant Benny Spreeuwers) dans le Limbourg, pour donner naissance à Oudsbergen. Selon un rapport sur le sujet, une telle fusion donnerait à la nouvelle commune plus de ressources. L’allègement de la dette de Oudsbergen offert par le gouvernement régional monterait à plus de 11 millions d’euros.[11]. A l’inverse, en Wallonie, si une fusion de Brugelette et d’Ath fut évoquée durant l’été, le projet semble abandonné aujourd’hui. Au final, il semble que les partis flamands soient davantage disposés à faire avancer les choses sur les dossiers des fusions des communes. Avec leur aide régionale ou la proposition du S.PA pour Bruxelles, la Flandre semble vouloir prendre les choses en main, à l’inverse des partis francophones. Ceux-ci ne semblent pas vouloir encourager les fusions volontaires, et n’avancent pas de projet pour Bruxelles.
La question des intercommunalesUn dernier enjeu crucial de ces élections de 2018 est le traitement qui sera réservé aux intercommunales. Si personne ne remet en question l’utilité de ces entreprises publiques, la manière dont elles sont gérées pose question. On peut par exemple reprendre le cas du journal de presse L’Avenir, racheté par Tecteo (ancêtre de Publifin) en 2013 pour 26 millions d’euros[12]. Déjà à l’époque, cette transaction avait fait débat. Était-ce bien le rôle d’une intercommunale, entreprise publique financée par le contribuable, de racheter un groupe de presse, entreprise privée, et de le diriger ? Déjà avant cela, Publifin avait réussi à s’affranchir de sa tutelle régionale et avait ensuite continué à s’étendre et à se diversifier, avant d’être rattrapée par le scandale que nous connaissons tous. Le futur de Publifin et des intercommunales en général sera sans doute influencé par le résultat des prochaines élections communales. En effet, toujours dans le cas de Publifin, selon le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), les communes, en 2016, détenaient 45.8% de l’intercommunale et la province de Liège en détenait 53.9%[13]. De plus, une autre critique qui fit beaucoup de bruit est le nombre d’administrateurs au sein de ces intercommunales. A titre d’exemple, ORES avait, avec les divisions provinciales sans compter Liège, 90 administrateurs, avec pour chaque poste une rémunération. Pour le comité de direction principal, chaque membre touchait 5400 euros brut par an, plus 538 euros par conseil d’administration[14].
Jonathan Jacquemart, 16 décembre 2017. [1] LA LIBRE, Le bureau du MR a validé ce lundi matin la suppression/réforme des Provinces [en ligne], http://www.lalibre.be/actu/politique-belge/le-bureau-du-mr-a-valide-ce-lundi-matin-la-suppressionreforme-des-provinces-595128decd70f57d45bb3279 (consulté le 23-10-17) [2] PECHON B., « La suppression des provinces, un Rubik’s cube institutionnel », Trends Public Sector, n°18, mai 2017, p.4. [3] PECHON B., op.cit., p.3. [4] NEWSMONKEY, Les provinces sont-elles vraiment inutiles? Voici un petit guide pour sortir des préjugés, [en ligne], http://fr.newsmonkey.be/article/19364 (consulté le 13-12-17). [5] http://www.vlaamseprovincies.be/binnenlandse-aangelegenheden [6] LE SOIR, Comment le SP.A veut réinventer Bruxelles [en ligne], http://plus.lesoir.be/126909/article/2017-11-30/comment-le-spa-veut-reinventer-bruxelles (consulté le 07-12-17). [7] RTBF, Pour les francophones, la proposition du sp.a sur Bruxelles n’a rien de neuf [en ligne], https://www.rtbf.be/info/regions/bruxelles/detail_pour-les-francophones-la-proposition-du-sp-a-sur-bruxelles-n-a-rien-de-neuf?id=9776999 (consulté le 11-12-17). [8] LA LIBRE, Voici le projet de- fusion entre Auderghem et Watermael-Boitsfort [en ligne], http://www.lalibre.be/actu/belgique/voici-le-projet-de-fusion-entre-auderghem-et-watermael-boitsfort-59d50b15cd70461d266e1a11 (consulté le 28-10-17). [9] WIKIPEDIA, Fusies van Belgische gemeenten [en ligne], https://nl.wikipedia.org/wiki/Fusies_van_Belgische_gemeenten#cite_note-7 (consulté le 15-12-17) [10] VVSG, Fusies [en ligne], http://www.vvsg.be/Werking_Organisatie/Pages/Fusies.aspx (consulté le 11-12-17). [11] VAN HERCK, B., VANDER ELST, S., (2016), « Samen beter, samen sterker? Fusiedossier Meeuwen-Gruitrode en Opglabbeek », IDEA Consult, pp. 33-34. Voir aussi: http://www.vvsg.be/Werking_Organisatie/Pages/Fusies.aspx [12] LE SOIR, Tecteo rachète l’Avenir pour 26 millions d’euros [en ligne], http://www.lesoir.be/archive/recup/313261/article/economie/2013-09-06/tecteo-rachete-l-avenir-pour-26-millions-d-euros (consulté le 23-10-17) [13] CSA, Publifin SCIRL [en ligne], http://www.csa.be/pluralisme/offre/societe/346 (consulté le 23-10-17) [14] RTBF, A l’ombre de Publifin, d’autres intercommunales énergétiques wallonnes alimentent la nébuleuse [en ligne], https://www.rtbf.be/info/regions/detail_a-l-ombre-de-publifin-d-autres-intercommunales-energetiques-wallonnes-alimentent-la-nebuleuse?id=9511681 (consulté le 11-12-17). |
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